30 minutes avec l’architecte Paul Vincent : comment concevoir des logements heureux ?

Je m’appelle Paul Vincent. Je suis architecte, enseignant et chercheur.

« Concevoir des constructions vertueuses avec des environnements passifs et des usages partagés. »

Je suis architecte DPLG diplômé de l’école d’architecture des Beaux-Arts Paris UPA1. Je suis également enseignant à l’Ecole Nationale d’Architecture de Lyon.

Avec Estelle Morlé, Emmanuel Ritz et plusieurs partenaires publics et privés dont les Grands ateliers de l’Isle d’Abeau j’ai créé le Master « A la recherche d’une architecture vertueuse ». En parallèle de ces activités je travaille au laboratoire Laure.

A travers mes nombreux projets, j’ai cherché et je cherche à concevoir des constructions vertueuses avec des environnements passifs et des usages partagés.

« Un espace réellement confortable est un lieu où l’on se sent bien. »

Lorsque l’on s’intéresse au confort intérieur, il faut bien comprendre que mesurer le confort ressenti va bien au-delà d’une simple lecture de thermomètre.

Un espace réellement confortable est un lieu où l’on se sent bien. Ce confort peut être influencé par de très nombreux paramètres et choix de conception architecturale.

Parmi tant d’autres choses, je peux citer le principe de co-conception : intégrer pleinement les habitants à la création de leur logement.

Il faut arrêter avec cette vision totalement erronée de « la maison qu’il vous faut » ! Il y a autant de maisons que de personnes et de sites : les modes de vie, le vent, le soleil, la présence ou l’absence d’eau… tous ces éléments sont à prendre en considération.

Il faut également avoir une approche d’anthropologue et une vision sur le long terme :

• Comment vont évoluer les besoins des personnes qui occuperont ces logements ?
• Auront-ils des enfants ?
• Ces enfants en grandissant parviendront-ils à prendre leur indépendance et à préserver leur intimité au sein du logement familial ?
• Les espaces pourront-ils muter et être réemployés au fil de la vie des habitants ?
• Etc.

Entre les maisons préfabriquées bon marché, et les maisons très chères d’architecte conçues sur mesure pour des particuliers il y a un gouffre évident à combler…

« Pour se sentir bien dans son logement il faut que celui-ci puisse être intelligemment mis en relation avec l’extérieur. »

Il est également indispensable que l’on cesse de produire des « boîtes » sans extension : sans préau, ni terrasses, ni serres ou pergolas… Pour se sentir bien dans son logement il faut que celui-ci puisse être intelligemment mis en relation avec l’extérieur : connecter l’habitant aux plantes, aux oiseaux, etc.

De plus, la création de parties communes dans les immeubles devrait être obligatoire y compris dans les logements sociaux ! L’idée est par exemple de créer des espaces avec des ressources partagées comme des lave-linge et sèche-linge, du matériel de bricolage…

Il y a une vision du collectif et du commun à développer, cette vision nous manque terriblement. (soupir)

« Il faut arrêter de détester son voisin ! »

Il faut concevoir au sein des immeubles de logements des salles communes modulables selon les besoins de chacun : un lieu de célébration, une salle de yoga, un atelier d’art plastique et de musique, une salle de jeux pour les enfants… en bref des lieux où l’on crée du lien : il faut arrêter de détester son voisin ! (rire)

Je vais raconter une histoire amusante :

Un jour, je discutais avec le responsable d’un projet de logements lors de la phase de conception. Ce dernier soutenait qu’il n’était pas possible d’inclure des espaces communs dans les plans.

J’avais alors dans ma main un paquet de cigarettes, que j’ai déposé sur le sol. Je lui ai demandé :

– « Est-ce que cela vous poserait problème si je retirais la surface de ce paquet de cigarettes aux différentes pièces des logements ? ».

Face au tout petit paquet de cigarettes posé sur le sol mon interlocuteur m’a regardé bizarrement :

– « Bien sûr que non, qu’est-ce que c’est que cette question débile ? » (rire)

Je lui ai souri :

– « Non, pour rien, merci beaucoup ! »

Puis je suis retourné travailler à mes plans : grâce aux surfaces cumulées du paquet de cigarettes, j’ai finalement pu créer mes espaces communs ! (rire)

« Des logements urbains à 27°C la nuit c’est absolument insupportable. »

Un autre sujet, malheureusement de plus en plus sensible, est le confort thermique d’été : des logements urbains à 27°C la nuit c’est absolument insupportable, surtout pour les jeunes enfants… (soupir)

Il est donc indispensable que l’architecture de l’habitat permette un tirage d’air efficace pour décharger thermiquement le bâtiment, surtout la nuit !

La ventilation doit aussi permettre de limiter la pollution de l’air intérieur, souvent bien plus élevée que celle de l’air extérieur !

En vérité il faut faire preuve de bon sens : ajouter des faux plafonds pour permettre une circulation de l’air et de l’humidité, mettre des fenêtres dans les salles de bain, concevoir des logements traversants… quoiqu’un logement traversant ne suffit pas forcément à garantir un bon renouvellement d’air !

Pour que l’air passe correctement d’une ouverture à une autre, il faut qu’il y ait une différence de pression suffisante entre les deux façades. Une étude consciencieuse du site et de la direction des vents dominants s’impose donc.

« Parfois des choses très simples peuvent apporter de la gaieté à un lieu de vie. »

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur le confort intérieur tant le sujet est vaste… Parfois, des choses très simples peuvent apporter de la gaieté à un lieu de vie.

Je vais conclure sur une autre petite histoire :

Il y a quelque temps, je peignais une grande fresque murale à Paris en collaboration avec une amie.

Alors que je travaillais, une vieille dame s’est approchée de moi et m’a dit :

– « La ville est triste, la ville est grise. Pourquoi vous mettez des couleurs, vous ? »

Voilà, peut-être qu’un peu d’art et de couleurs pourrait être un beau point de départ pour penser la ville heureuse.