Orane Bert, le chemin vers des briques économiques, écologiques et solidaires

Echange avec Orane Bert, responsable et co-fondatrice de l’Association TERRE – Communauté Emmaüs : La Briqueterie Solidaire . De l’idée à l’action, voici son parcours !
Portrait Orane Bert
Je suis Orane Bert, cofondatrice de La Briqueterie Solidaire à Rennes, et co-responsable du fonctionnement de cette communauté Emmaüs.

« Etre logé c’est bien mais pouvoir être actif (et non dépendant) c’est bien aussi. »

Mes débuts professionnels étaient plutôt tournés vers les recensements de la faune et la flore et l’accompagnement de personnes en via ferrata.
Mais j’ai toujours été engagée de manière bénévole dans la lutte pour les droits sociaux des personnes exclues, à la rue, ou/et étrangères.
A un moment je me suis rendue compte que c’était bien d’être logé pour sortir de cette situation, alors je me suis tournée vers le secteur de la construction.
Dès le début je me disais « je vais monter un petit centre d’accueil ».
Mais j’ai aussi compris qu’être logé c’est bien mais pouvoir aussi être actif (et non dépendant) c’est mieux ». Il fallait donc penser à une activité économique viable.
C’est là que le projet de briqueterie solidaire est né.

« Nous avons choisi de commencer par des adobes parce que presque personne n’en faisait. »

J’ai découvert la construction terre en voyage en Amerique du Sud après le lycée.
Plus tard j’ai découvert la formation de maçonnerie en terre crue Noria & Cie (REDON, 44) et j’ai suivi la formation en 2018.
Je ne me sentais pas de créer et faire tourner une entreprise de maçonnerie mais faire des briques ça me plaisait. Nous avons choisi de commencer par des adobes parce que presque personne n’en faisait.
Ensuite on s’est diversifié car faire uniquement des adobes peut devenir abrutissant !
L’idée du projet est né en décembre 2019.
Et nous avons ouvert en novembre 2021.
Aujourd’hui nous avons 5 compagnons et 3 salariés.
Les communautés Emmaüs sont les seuls lieux d’accueil inconditionnels de France. Tout le monde a le droit d’être compagnons ou compagnes.
Etre compagne / compagnon c’est vivre dans la communauté : « Un compagnon est accueilli pour un jour comme pour une vie » – dicton Emmaus.
Nous sommes contactés toutes les semaines pour accueillir des compagnes / compagnons.
Je ne connaissais pas du tout ce réseau et son fonctionnement avant. C’est très militant donc forcément il y a des avis très différents.

« Le travail de TERRE c’est une passerelle vers le monde actif et vers un monde d’entraide et paysan. »

Aujourd’hui la communauté est une passerelle vers le monde d’actifs et vers un monde d’entraide et paysans.
C’est la possibilité de travailler et de donner un sens au travail.
Ça coule de source de construire avec de la terre crue ! On a rien inventé.
C’est important car dans le monde aujourd’hui il faut qu’on réfléchisse à tous nos gestes, tous nos faits.

« Je n’ai aucun doute tous les matins de pourquoi je me lève. »

Au quotidien je suis ravie.
C’est éreintant comme travail, entre la fabrication, l’accompagnement des compagnons, la partie commerciale, la communication et la gestion des bénévoles, pour autant je n’ai aucun doute tous les matins de pourquoi je me lève.
Ça a énormément de sens pour moi. Je ne me pose jamais la question de changer de travail.
Il faut se remettre en question assez souvent mais c’est passionnant.
Il y a un également un 2e projet porté par ma collègue Laura : « La bricole solidaire », une recyclerie de matériaux du BTP, un peu comme Mineka à Lyon.
Et c’est intéressant car ça reboucle avec l’activité principale des communautés Emmaus : la revalorisation.

« Il faut faire avec des équipes un peu bancales et qui ne sont pas forcément formées, c’est passionnant ! »

Laura est éducatrice de formation. Quand à moi, c’est surtout mon expérience de bénévolat qui me permet d’accompagner socialement notre équipe.
Nous sommes également épaulées par le réseau et des structures médico-sociales si besoin.
Emmaüs France a vérifié cela avant, ainsi que notre modèle économique. Car, dans le modèle Emmaüs nous n’avons pas le droit aux subventions de fonctionnement. Nous avons seulement droits aux dons et subventions d’investissement.
Il faut faire avec des équipes un peu bancales et qui ne sont pas forcément formées, c’est passionnant !
On passe énormément de temps à discuter avec les compagnons. Nous sommes encore petits donc c’est possible.
Nos compagnons sont formés sur place et ça leur arrive de partir en chantier extérieur.

« Nous sommes soutenus »

Notre activité est très bien reçue sur le territoire, y compris à l’échelle politique (commune, métropole, département, etc.).
Nous sommes soutenus par les maçons du coin et le collectif des Terreux Armoricains. Ils passent boire un café, achètent les briques.
Pour 90% des gens qu’on croise : c’est très bien vu. Et il y a toujours 10% de râleurs.
La moitié des chantiers participatifs sont amenés par des gens qui nous contactent. L’autre moitié c’est nous qui les organisons.

« J’ai fait partie de l’équipe qui a créé ça. Mais mon but c’est qu’un jour ça puisse tourner sans moi. »

Ce que j’aimerais vraiment pouvoir dire et être retenu c’est que je ne me serais pas sentie aussi heureuse ailleurs qu’ici.
Partager mes avantages, ma chance, et mes privilèges tout en faisant quelque chose qui écologiquement ne va pas à l’encontre de la planète et qui en plus économiquement fonctionne, ça me ravie au quotidien !
J’ai fait partie de l’équipe qui a créé ça. Mais mon but c’est qu’un jour ça puisse tourner sans moi.

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