Guillaume Parizot, ingénieur enthousiaste pour une construction durable

30 minutes avec Guillaume Parizot, directeur du pôle construction durable du bureau d’études EODD Lyon : sa vision des filières des éco matériaux et de leurs défis

Je m’appelle Cédric Parizot. Je suis ingénieur, engagé pour une construction durable.

« Le choix d’une carrière dans l’écoconstruction s’est imposé de lui-même. »

Ayant une culture de constructeur par mes études, et de solides convictions personnelles sur le plan écologique, le choix d’une carrière dans l’écoconstruction s’est imposé de lui-même.

Je travaille pour EODD, un cabinet de conseil, d’ingénierie et bureau d’études spécialiste de la transition écologique. En tant que directeur du Pôle Construction Durable, je m’intéresse naturellement aux matériaux décarbonés, biosourcés et géosourcés.

J’ai cependant une relation plus personnelle avec les matériaux géosourcés, la terre crue notamment : dans la région où j’ai grandi il y a beaucoup d’édifices en terre crue, et mes grands-parents vivaient dans une maison en Pisé !

Et puis, quand on voit qu’aujourd’hui plus de 80% des bâtiments sont construits en béton alors qu’un tiers des habitants dans le monde vit dans des édifices en terre crue, on se pose forcément des questions sur notre approche actuelle des bâtiments durables…

« Se battre pour concevoir des projets avec des matériaux biosourcés et géosourcés, dans notre contexte climatique, ça relève du bon sens. »

Se battre aujourd’hui pour concevoir des projets avec des matériaux biosourcés et géosourcés, dans notre contexte de changement climatique, ça relève du bon sens.

L’idée pour moi est de défendre des projets aux approches locales, qui cherchent à s’adapter au lieu et à l’écosystème.

Où que l’on soit en France, il y a des ressources en matériaux biosourcés et géosourcés de toute sorte, qu’ils soient naturels ou coproduits : il faut les exploiter ! Même si les freins sont encore nombreux, et pas seulement techniques…

Sur le plan normatif et juridique déjà, il y a beaucoup de choses à construire…il faudrait créer des fédérations plus unies, des syndicats regroupant les acteurs engagés dans les éco-matériaux, des crowdfundings pour financer des règles professionnelles…les défis sont multiples mais je suis sûr que l’on peut y arriver.

Il est aussi indispensable d’avoir des organes techniques et politiques « indépendants », avec des financements publics. Il faut promouvoir toutes les filières de la construction, pas seulement les plus riches et les mieux organisées.

Le chemin pour obtenir des essais sur l’isolation avec des bottes de paille a été long et périlleux, mais il a permis une prise de conscience, et on sent une ouverture du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) sur ces matières, loin de l’hégémonie de la laine minérale qui a longtemps étouffé la concurrence. (soupir)

« On pense trop souvent, même inconsciemment, à l’histoire des 3 petits cochons. »

Dans le secteur de la construction, il y a également toute une image à reconstruire autour de ces matériaux… on pense trop souvent, même inconsciemment, à l’histoire des 3 petits cochons (rire) : les maisons en paille et maisons en bois qui s’envolent et ne protègent pas du grand méchant loup font partie d’une culture collective qu’il est très difficile de contrer…(soupir).

Il faut casser les idées reçues sur ces matériaux de construction, rassurer les concepteurs et le grand public quant à leurs performances et leurs intérêts !

Sur beaucoup de projets, les concepteurs avaient si « peur » de l’image que renverraient ces matériaux qu’il fallait absolument les mettre là où ils ne se verraient pas… à présent que la construction écologique devient à la mode la tendance s’inverse mais ce n’est pas toujours positif.

En effet, leur utilisation doit se faire à bon escient, et pas venir maquiller des immenses voiles béton par des bardages bois ou un enduit terre, c’est du greenwashing ! (rire …et soupir)

« Une question qui revient sans cesse (…) : combien ça coûte ?. En vérité la question est mal posée. »

Une question qui revient sans cesse lorsque l’on propose à des maîtres d’ouvrage d’utiliser ces matériaux est évidemment : « combien ça coûte ? ».

En vérité la question est mal posée : de quel coût parle-t-on ? Le coût carbone ? Le coût social ? Et puis même si l’on se concentre uniquement sur le coût de pose et fourniture, car il est normal que la question se pose, ce n’est pas si simple.

En effet beaucoup de coûts ne sont pas vus par la maîtrise d’ouvrage qui ne pense pas assez à long terme… les coûts d’entretien et de démolition par exemple peuvent être importants !

Un autre exemple marquant : nous sommes intervenus sur la restructuration d’un collège, dont plusieurs membres du personnel avaient dû s’arrêter de travailler à cause de polluants dans l’air, issus de colles et de dégradation d’éléments en PVC.

Le coût pour la collectivité – humain et financier – aura été finalement bien plus important que si des produits biosourcés ou géosourcés avaient été mis en œuvre au départ.

« Malgré tout, je reste assez confiant pour l’avenir, les choses bougent. »

Malgré tout je reste assez confiant pour l’avenir, les choses bougent. La RE2020 et le recours plus systématique à l’ACV (Analyse du Cycle de Vie) vont aider les filières à se développer et de fait rééquilibrer l’approche économique.

L’élection récente de très nombreux maires écologistes est un signe fort de prise de conscience collective !

Et puis, chez EODD, nous progressons aussi : avec plus de retours d’expérience, un intérêt croissant de nos partenaires sur ces sujets, des investissements importants dans les réseaux et associations spécialisées (notamment Pro Paille, BBCA, Booster du Réemploi, VAD, EKOPOLIS) …

La dynamique est enthousiasmante, les projets exemplaires sont de plus en plus visibles et ambitieux. Tout cela est très motivant, et montre que le secteur du bâtiment a amorcé sa mue pour entrer dans un cycle vertueux et un développement durable !

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