Valentin Colson, ingénieur R&D engagé dans la construction chanvre

Echange avec Valentin Colson, responsable R&D chez Cavac Biomatériaux. Il nous partage sa vision de la filière biosourcée et des processus de normalisation pour la construction chanvre.

Valentin Colson, responsable R&D chez Cavac, engagé dans l'innovation biosourcée en chanvre

Je m’appelle Valentin Colson, je suis responsable recherche et développement chez Cavac Biomatériaux. Je travaille principalement sur des produits conçus à base de chanvre.

Initialement, j’ai suivi une formation d’ingénieur matériaux généraliste avant de me spécialiser dans les matériaux écologiques. J’avais déjà, à ce moment-là, l’intuition que c’était un secteur d’avenir.

Début 2016 je me suis engagé dans une thèse Cifre à l’université de Rennes, avec l’entreprise vendéenne Cavac Biomatériaux. Ma thèse s’intitulait : « Panneaux composites bio-sourcés destinés à l’isolation des bâtiments : caractérisation des ressources et procédé de production ». A la fin de ma thèse j’ai été recruté par Cavac, et j’occupe à présent un poste de responsable R&D.

« Nous avons la volonté d’aller au bout du processus de valorisation du chanvre. »

Notre filiale bio matériaux a environ 13 ans d’existence. Notre approche est assez unique car nous réunissons sur un même site une machine de défibrage et un atelier de nappage.

Nous avons la volonté d’aller au bout du processus de valorisation. En Europe, personne ne va aussi loin que nous.

Dans la filière chanvre traditionnelle, il y a des producteurs de chanvre et des chanvriers. Les premiers produisent la ressource et les seconds la transforment.

Cependant, ils connaissent très peu le domaine du bâtiment. Par notre expérience nous pouvons créer bien plus aisément un lien entre champs et chantiers.

« Il est essentiel de rémunérer les producteurs à leur juste prix : nous serons tous gagnants puisque cela nous garantit une ressource de qualité. »

Notre intervention commence très en amont dans le processus : nous pilotons les cultures avec les producteurs, pour leur mise en place et la mutualisation des moyens de production.

Il nous est important de valoriser le travail des producteurs en les rémunérant à leur juste prix : si le coût n’est pas soutenable nous ne pourrons de toute façon pas nous garantir une ressource de qualité…

Nous mettons en place une contractualisation et des prix fixes, ainsi nous sommes tous gagnants.

Les producteurs ont un cahier des charges précis à respecter lorsqu’ils nous livrent leur production.

Dès réception, nous réalisons nos contrôles qualités. Nous sommes rigoureux mais nous essayons de ne pas être trop rigides : si une ou deux fois seulement la ressource n’est pas « conforme » (trop humide, présence de corps étrangers…) nous posons seulement un avertissement.

« Nous défendons la vision d’une standardisation des ressources avant usage. »

Nous travaillons également le lin, mais notre activité principale reste concentrée autour du chanvre.

Je considère que les règles professionnelles de la construction chanvre sont une excellente chose : elles apportent de la crédibilité à la filière chanvre dans le monde du bâtiment, qui est très strict !

Ces documents permettent de rendre « traditionnelle » la technique du béton de chanvre aux yeux de la C2P (voir définition ci-dessous).

Nous défendons la vision d’une standardisation des ressources avant usage : la qualité des produits utilisés doit être garantie afin d’éviter de potentielles pathologies qui desserviraient l’image de l’ensemble de la filière !

Ce contrôle qualité permet à beaucoup de fibres végétales de passer du statut de déchet ou de sous-produit à celui de produit à part entière.

La C2P (Commission Prévention Produit), créée en 1998 par l’AQC (l’Agence Qualité Construction) différencie les techniques courantes et non courantes. Elle joue un rôle important dans l’assurabilité des produits et des procédés. Les techniques courantes validées par la C2P sont plus facilement assurables, et les techniques non courantes, non-examinées ou non validées par la C2P, nécessitent des négociations au cas par cas avec l’assureur et/ou le bureau de contrôle en charge du projet.

 

« Les démarches d’ATec sont très lourdes, cela freine l’innovation ! »

Pour nos produits, nous avons mis en place des démarches d’ATec (voir définition ci-dessous) qui ont été validées par la C2P.

Ces ATec sont valables au moins trois ans et renouvelables facilement. Elles portent toujours sur des produits précis pour un usage donné, elles sont très spécifiques.

Ces démarches menées auprès du CSTB (voir définition ci-dessous) sont très lourdes, longues et coûteuses : c’est un problème car cela freine l’innovation ! (soupir).

Le CSTB est un organisme français unique en son genre en Europe : il réalise les tests ET choisit de les valider, invalider, ou d’en demander d’avantage… il fait l’offre ET la demande. Cela constitue un conflit d’intérêt problématique !

Il y a encore beaucoup de choses à mettre en place pour garantir un avenir stable à la filière des matériaux bio sourcés…

Le CSTB ou « Centre Scientifique et Technique du Bâtiment » est une entreprise publique à caractère industriel et commercial (EPIC), au service de ses clients et de l’intérêt général. Il a pour ambition d’imaginer les bâtiments et la ville de demain en accompagnant et sécurisant les projets de construction et de rénovation durable (source : cstb.fr)
L’ATec ou « Avis Technique » désigne l’avis formulé par un groupe d’experts représentatifs des professions, appelé Groupe Spécialisé (GS), sur l’aptitude à l’emploi des procédés innovants de construction. Les Avis Techniques sont délivrés par la Commission Chargée de Formuler les Avis Techniques (CCFAT) rattachée au ministère en charge de la construction et de l’habitation (source : evaluation.cstb.fr)

 

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