François Streiff, animateur pour la démocratisation des matériaux bio et géosourcés

Echange avec François Streiff, architecte et « gentil animateur » au sein du Parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin.

François Streiff

Je m’appelle François Streiff, j’ai travaillé au sein du CAUE de la Manche puis du Parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin. Je m’investis pour une démocratisation de l’usage des matériaux bio et géo sourcés.

Je suis architecte de formation, j’ai obtenu mon diplôme il y a une trentaine d’année environ. Au début de ma carrière j’ai travaillé en tant qu’architecte conseil pour le CAUE de la Manche.

J’étais déjà en lien, à l’époque, avec le Parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin que j’ai rejoint par la suite. Tout au long de ma carrière, j’ai vu l’évolution de la filière terre crue et des matériaux bio sourcés.

 » Durant ma formation je n’avais étudié que très peu de matériaux de construction. « 

A l’époque où j’ai démarré mon poste au sein du CAUE, ces matériaux étaient déjà intégrés à certains projets. Au tout début de ma carrière, je l’ai d’une certaine façon « subi » bien que le terme soit un peu fort : en tant que jeune architecte, je connaissais très peu ces matériaux.

Durant ma formation je n’avais étudié que très peu de matériaux de construction : le béton et le métal, les isolants minéraux, essentiellement.

 » Lors de ma prise de poste, je me souviens avoir réagi avec joie et curiosité. « 

Cela a réveillé mon intérêt pour le patrimoine et le bâti vernaculaire, nourrit ma vision d’une approche plus locale de la construction.

Dans les années qui ont suivi j’ai pu monter en compétences sur ces sujets, de plusieurs façons : formation au sein du CAUE, rencontres, conférences, chantiers participatifs et autoformation… De plus, la Manche présente une très grande variété géologique : c’est passionnant quand on s’intéresse aux géo sourcés !

 » J’ai pu enfin mettre en relation mes problématiques professionnelles, mes valeurs personnelles, mes questionnements… « 

Très tôt j’avais déjà une certaine conscience écologique, mais j’avais assez peu conscience du véritable impact du monde du bâtiment. Similairement, j’avais encore assez peu réfléchi au rôle que je pouvais jouer en tant que concepteur.

Le début de ma vie professionnelle et mes multiples rencontres m’ont permis une vraie prise de conscience : j’ai pu enfin mettre en relation mes problématiques professionnelles, mes valeurs personnelles, mes questionnements…tout cela relevait du bon sens et s’est finalement fait assez naturellement.

 » J’essaye à ma façon d’apporter une pierre à l’édifice […] « 

Aujourd’hui, je participe au sein du CAUE à la mise à jour des politiques d’aides financières. L’objectif est d’encourager encore d’avantage les habitants de la Manche à utiliser ces matériaux.

Une autre de mes activités est celle de « gentil animateur » (rire) : j’aide les associations et les entreprises à monter en compétences techniquement, j’accompagne les particuliers et les acteurs publiques dans leurs projets…

J’essaye à ma façon d’apporter une pierre à l’édifice en faisant bouger les acteurs du domaine !

 » Les freins de ces filières sont nombreux, il y a beaucoup de facteurs qui s’entremêlent… « 

Quelques exemples :

  • l’ignorance,
  • une nécessaire et parfois longue acculturation,
  • parfois la disponibilité et l’accessibilité locale des ressources posent aussi problème,
  • tout comme le cadre normatif, surtout dans les projets publiques…

L’exemplarité recherchée est un frein pour les entreprises qui veulent s’investir. Dans le même temps, un suivi et un encadrement sérieux sont indispensables pour garantir la sécurité et la pérennité du projet.

 » Le juste équilibre n’est pas facile à trouver. « 

Il existe déjà un tissu de petites entreprises, mais aujourd’hui il y a aussi la volonté d’ouvrir et d’encourager de plus grosses structures à s’y mettre.

Il faut faire entrer ces matériaux dans le champ « conventionnel » afin de lutter plus efficacement contre les émissions carbones du secteur.

Dans le même temps, ce changement d’échelle et cette appropriation par les acteurs traditionnels soulèvent forcément des questions.

 » La stabilisation de la terre au ciment est un excellent exemple : plus la terre est utilisée, plus cette pratique devient courante. »

Pourtant, stabiliser la terre est rarement pertinent en termes d’impact écologique. La pratique est donc à éviter.

Elle est vu par certains de ses défenseurs comme une étape intermédiaire d’appropriation : on « modernise » les techniques pour faciliter leur appropriation… (soupir) Mais cela sera-t-il vraiment « juste » une étape ?

Je comprends l’irritation et les inquiétudes des acteurs plus militants qui s’y opposent. Leur réaction me semble importante car ils agissent ainsi comme des « aiguillons » qui rappellent sans cesse aux « pro stabilisation » que la terre stabilisée ne doit pas être et rester une solution suffisante, un aboutissement.

Ainsi, ils pousseront les projets vers une vision de plus en plus vertueuse…du moins je l’espère.

 

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