30 minutes avec Marta Miranda Santos, doctorante, de sa rencontre avec le matériau à son étude des ambiances sonores (acoustique) dans les constructions en terre crue.
Je m’appelle Marta Miranda Santos. Je suis « architecte technique » et actuellement en thèse sur la terre crue.
« J’avais 20 ans et j’ai pu participer à de petits projets en Adobe et en Pisé (…) dans la montagne à 3280m d’altitude »
J’ai démarré mes études supérieures à Barcelone, en Espagne, dans le domaine de « l’architecture technique » ou building ingénieur, si je devais créer un équivalent « français ». On y faisait peu de conception et beaucoup de détails techniques. Cependant, j’y ai étudié le suivi de chantier et le contrôle qualité, notamment des matériaux.
C’est à l’occasion d’un projet de coopération international dans l’Himalaya indien que j’ai rencontré la terre crue. J’avais 20 ans et j’ai pu participer à de petits projets en Adobe et en Pisé dans le village de Tabo, dans la montagne à 3280m d’altitude.
Pour moi c’était absolument incroyable de construire des bâtiments en utilisant les ressources que nous avions sous les pieds. De plus j’ai réalisé que ces maisons vernaculaires (= propres au pays) étaient bien mieux adaptées au climat local que les habitats modernes du site : la nuit lorsqu’il faisait froid les habitants préféraient aller dormir dans les vieilles bâtisses en terre que dans leurs logements neufs ! (rire)
« J’étais entourée de terre depuis que j’étais petite, mais je la découvrais seulement à présent. »
En rentrant de ce voyage les mains et les pensées pleines de terre, j’ai découvert que mon Papi faisait des adobes à Castilla et que l’oncle de ma mère travaillait le pisé et les adobes près de Palencia, Tierra de campos.
J’étais entourée de terre depuis que j’étais petite mais je la découvrais seulement à présent (rire).
Par la suite, je suis allée faire un master à Bilbao sur la coopération internationale et le développement, sûrement pour me convaincre que ce n’était vraiment pas ce que je voulais faire dans ma vie … (soupir) Cependant, ce master m’a permis de faire un échange de plusieurs mois à Mexico où j’ai pu travailler de nouveau avec la terre.
En réalité, depuis Tabo je voulais continuer à travailler avec ce matériau : avant Bilbao je suis donc partie en Thaïlande faire des chantiers, et après j’ai fait le DSA de CRAterre à Grenoble en 2014.
Ensuite, j’ai travaillé en France dans plusieurs agences d’architecture et à mon compte. Après d’autres formations et de nombreux chantiers participatifs, je me suis lancée dans une thèse pour étudier les ambiances et l’acoustique des bâtiments en terre crue.
« La terre est un matériau très agréable à travailler car il s’adapte à toi. »
Je pense que ce que j’aime le plus dans la terre c’est le fait qu’elle soit malléable, versatile… C’est un matériau très agréable à travailler car il s’adapte à toi et te laisse prendre ton temps.
Et tu dois t’adapter aussi à lui en apprenant à le comprendre dans toute sa diversité : il y a un vrai dialogue avec ce matériau ! Travailler la terre est très intéressant et enrichissant, d’un point de vue du travail manuel mais aussi intellectuellement parlant.
Enfin, le réemploi infini des terres non stabilisées a quelque chose de vraiment magique : tu ne veux plus de ta maison ? Un peu d’eau et elle disparaît sans laisser de traces ! (rire)
« L’objectif principal est de vérifier si les propriétés du matériau permettent d’atteindre des performances acoustique conformes aux réglementations »
Concernant mon travail de thèse, le sujet des « ambiances » me semblait vraiment intéressant : je veux questionner le rapport sensible des habitants à leur logement. C’est à dire tenter de comprendre comment ils perçoivent le confort intérieur et les conditions d’une bonne qualité de vie.
Pour étudier les caractéristiques acoustiques d’un lieu une approche théorique et physique peut être utile. Cependant, elle est clairement insuffisante car il y a beaucoup de paramètres humains qui entrent en jeu et qui sont difficiles voire impossibles à quantifier.
Donc l’objectif principal de mon travail est de vérifier si ce sont les propriétés du matériau terre qui permettent d’atteindre des performances acoustiques conformes aux réglementations, ou si, au contraire, ce sont des mises en œuvre spécifiques (= les techniques de construction) qui offriront une ambiance acoustique répondant aux exigences.
Pour ce travail je partage mon temps entre des études de laboratoires et des interventions dans des écoles primaires partiellement construites en terre crue : ateliers, interviews, ….
J’ai choisi de baser ma recherche sur des établissements scolaires car les occupants n’ont pas « choisi » en théorie d’occuper ces bâtiments. Donc leur ressenti vis-à-vis du matériau ne devrait pas être biaisés.
Je suis encore en train de traiter les données mais les 1ers résultats arrivent bientôt : j’ai hâte ! (rire)