Pourquoi la terre crue est une alliée de la construction durable ?

Que ce soit dans les chantiers participatifs privés, les bureaux d’études, les agences d’architectures et les réunions de nos dirigeants et élus locaux, la terre crue se fait progressivement une place comme matériau phare pour une construction durable.

Le regain d’intérêt pour ce matériau, au patrimoine international et national d’une grande richesse, s’explique par divers facteurs :

  • Il offre de belles perspectives architecturales,
  • il est sain,
  • et il répond à une problématique pesante de saturation des décharges par les terres excavées de chantier.

La terre crue permet aussi de proposer des solutions intéressantes face à l’impact négatif du BTP sur l’environnement. Voici un tour d’horizon rapide :

Matériau cru = un faible impact carbone

La terre crue est… crue ! L’absence de cuisson diminue drastiquement son impact environnemental ; en opposition aux briques de terre cuite (cuisson entre 850 et 1200 °C), à la chaux (entre 900 et 1300 °C), ou au ciment (1450 °C).

A titre d’exemple, le ciment utilisé comme liant dans la plupart des bétons industriels serait responsable à lui seul de près de 6% des émissions de gaz à effet de serre mondiaux, selon l’ONG The Carbon Disclosure Project.

Réemployabilité =  idéal pour une économie (réellement) circulaire

En l’absence d’ajout de liants hydrauliques (chaux, ciment, …) ou d’adjuvants chimiques, la terre issue des constructions en terre crue peut être réutilisée à l’infini par simple ajout d’eau.

Mélange de la terre avec de l'eau pour construire
Mélange terre + eau à la base de nombreuses techniques de construction en terre crue. Crédit : Géomaterio

Dans le contexte actuel de surexploitation et de pénurie de ressources dans le BTP, cette qualité du matériau terre répond à une problématique qui ne cesse de s’intensifier.

Ainsi, la construction en terre crue s’ancre parfaitement dans une démarche d’« économie circulaire » qui consiste à produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production de déchets.

En fonction de son utilisation et de son traitement, la terre peut être considérée comme une ressource « réemployable », « réutilisable » ou « recyclable ». L’ADEME, Agence française de la transition écologique, distingue clairement ces trois termes. Cependant, il est important de prendre conscience que la terre n’est pas un matériau « renouvelable ».

Un matériau renouvelable est en effet une ressource naturelle dont le stock peut se reconstituer dans une période courte sur l’échelle de temps humaine, en se renouvelant au moins aussi vite qu’elle n’est consommée.

Bien que la « consommation » de terre dans la construction durable soit aujourd’hui assez faible, la ressource ne peut pas être considérée comme « renouvelable » puisqu’elle est issue de la lente dégradation des roches mères par des processus physiques, chimiques et biologiques, qui dépassent de loin une échelle de temps dite « humaine ».

En ce sens, la stabilisation des terres (= ajout de ciment dans le mélange par exemple) peut poser problème puisqu’elle rend impossible sa réutilisation future. 

Ressource locale abondante = peu de transport

La terre est une ressource disponible localement en grande quantité, ce qui permet de limiter les pollutions dues au transport de volumes importants de matières premières sur chantier, parfois sur de grandes distances.

Terre excavée sur un chantier de maison individuelle
Terre excavée sur un chantier de maison individuelle. Crédit : Géomaterio

Bien que l’utilisation de terre locale soit souvent préférée par les concepteurs, les projets se heurtent parfois à des freins réglementaires, assurantiels ou techniques qui les obligent à utiliser des terres issues de carrières éloignées du chantier.

Toutes les terres ne sont pas optimalement adaptées à toutes les techniques constructives, bien que certains maçons terres revendiquent que « l’on peut faire à peu près n’importe quoi avec à peu près n’importe quelle terre ».

Certains concepteurs défendent que c’est la terre locale qui devrait décider de la technique mise en œuvre, tandis que d’autres préfèrent chercher une terre après avoir choisi librement le mode constructif à mettre en œuvre.

Conception bioclimatique = confort d’été ET confort d’hiver avec peu d’énergie

Une étude de Carbone 4 datant de 2016 souligne qu’environ un tiers des EGES (Emissions de Gaz à Effet de Serre) en France sont liées à l’industrie du bâtiment : 25% sont directement liés à l’énergie dépensée par ces bâtiments pendant leur exploitation pour le chauffage, la climatisation, la ventilation, etc.

Travailler sur le confort intérieur des bâtiments, neufs et anciens, est un enjeu majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique, et pas seulement l’hiver.

Exemple de bâtiment en terre crue moderne à Lyon Confluence
Exemple de bâtiment en pisé « moderne » dans le quartier de Lyon Confluence. Crédit : Géomaterio

Depuis quelques années, l’augmentation des périodes de fortes chaleurs fait apparaître un besoin fort sur le confort des bâtiments en été. Mais le recours massif a de la climatisation est énergivore et alimente les îlots de chaleur en ville.

Le nouvel enjeu des architectes, bureaux d’études et constructeurs est donc d’avoir des bâtiments confortables en hiver mais aussi en cas de fortes chaleurs l’été sans avoir recours à la climatisation, ou de manière extrêmement limitée.

La conception dite « bioclimatique » va dans ce sens. Et la terre crue, par ses qualités hygrothermiques ( = son inertie thermique et sa capacité naturelle à réguler l’humidité, par exemple) est un atout indéniable pour ce type de construction durable.

Limiter la surexploitation des ressources mondiales en sable

La surexploitation du sable fluvial et maritime (environ 50 milliards de tonnes par an) utilisé dans la formulation des bétons n’est pas sans conséquence : biodiversité menacée, érosion et augmentation des risques d’inondation, …

Puisque la terre crue constitue une alternative parmi d’autres à certains projets en béton industriels, elle participe ainsi à limiter cette surexploitation.

Terre crue ≠ béton de ciment

En conclusion, rappelons que la terre crue est différente des bétons industriels : ces deux matériaux ne répondent pas aux mêmes exigences en termes de résistance à l’eau et de résistance mécanique.

Ainsi il serait faux de prétendre que la terre crue pourrait un jour remplacer entièrement le béton de ciment.

Cependant, de nombreux bâtiments aujourd’hui construits en béton pourraient parfaitement être réalisés en terre crue, ou en constructions mixtes terre-bois ou terre-paille.

 

Au-delà des débats sur les matériaux de construction, peut-être faudrait-il aussi questionner le rythme actuel de notre production de bâtiment : ne pourrions-nous pas plutôt nous projeter dans un futur plus sobre, qui saurait concevoir des bâtiments à longue durée de vie, rénover, et prendre soin de l’existant ?

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