Elise Camus, architecte : « Construire en paille locale pour le bien commun »

30 minutes avec Elise Camus, architecte engagée pour le développement d’une filière paille locale.Elise Camus, architecte engagée dans la construction paille

Je m’appelle Elise Camus. Je suis architecte et je me suis spécialisée dans la construction en paille.

« Lors du lancement de l’agence nous avons peiné à trouver des gens intéressés par la construction écologique »

Diplômée en 2007, je m’étais déjà dirigée spontanément vers la construction durable. Mon projet de fin d’étude portait sur une ferme en permaculture, j’ai d’ailleurs longtemps hésité à me réorienter vers ce domaine !

La création de mon agence date d’une dizaine d’année environ : le projet s’est lancé dans la précipitation à la suite d’un licenciement et les débuts n’ont pas été simples. Depuis quelques années, la situation s’est bien améliorée.

Lors du lancement de l’agence nous avons peiné à trouver des gens intéressés par la construction écologique. A présent, nous avons bien plus de clients et nous avons également appris à faire quelques compromis : on ne peut malheureusement pas travailler uniquement sur des projets vertueux, du moins pour le moment… (soupir)

« Qu’importe l’origine de mes engagements, ce qui compte c’est ce que j’en fais et ce que j’en ferai dans le futur ! »

Mon orientation dans le domaine de la construction durable, ou de l’écologie de façon plus générale, remonte à très loin… Je pense que lorsque j’avais 5 ou 6 ans, déjà, j’étais émerveillée par mes grands-parents qui vivaient en quasi-autarcie avec leurs poules, sans produire aucun déchet.

A l’époque, déjà, la pertinence de leur attitude et démarche me semblait être une évidence. Par la suite j’ai fait une partie de mes études à Berlin, les allemands étaient clairement en avance sur nous sur ces sujets…

En réalité, qu’importe l’origine de mes engagements, ce qui compte c’est ce que j’en fais et ce que j’en ferai dans le futur ! Mes convictions s’expriment aussi hors de mon travail. Avec mes enfants et mon mari nous avons un carnet plein de projets : partir pour un long voyage avec nos sacs à dos, faire une année zéro déchet… (sourire)

« A l’époque un ballot de paille coûtait environ 1,50€, je trouvais ça absolument fou ! »

Depuis son lancement, nous avons orienté l’agence vers le circuit court et nous cherchons à utiliser de moins en moins de matériaux industrialisés.

Je crois même que, pendant un temps, nous avons été l’une des premières agences de la Marne à proposer des projets en paille !

Tout a commencé avec une formation paille qui a changé ma vie : j’étais dans une période de « ras le bol » où je me sentais esclave des industriels… (soupir)

Certaines grosses structures ont tellement de pouvoir et d’argent qu’elles peuvent faire la pluie et le beau temps, imposer leur prix, s’infiltrer dans les processus de normalisation et la RE2020 (Règlementation Environnementale 2020)… parce que clairement au vue de cette nouvelle règlementation on a un peu l’impression que les lobbies du bois, du béton et de l’acier se sont mis autour d’une table et se sont partagés les parts du gâteau. (soupir)

A l’opposé, j’ai eu le sentiment que la construction paille rebattait toutes les cartes du logement. A l’époque un ballot de paille coûtait environ 1,50€, je trouvais ça absolument fou !

« Leur projet paille n’avait pas pu aboutir par manque d’artisans qualifiés, depuis on écoule leur stock petit à petit ! »

Jusqu’à présent nous avons réalisé tous nos projets en paille grâce à un stock fourni par d’anciens clients. Leur projet paille n’avait pas pu aboutir par manque d’artisans qualifiés, depuis on écoule leur stock petit à petit !

Il n’est pas toujours simple de trouver des personnes qualifiées pour mettre en œuvre ce matériau. Pour y remédier nous sommes en train de réaliser un chantier école avec le soutien d’une mairie : nous formons des gens sur un projet précis afin qu’ils puissent intervenir sur tous nos futurs chantiers dans la Marne !

Ainsi on investit sur eux sur le long terme, et on impulse localement une dynamique positive pour la construction paille ! (sourire)

Enfin, il y a aussi de plus en plus d’entreprises qui proposent des éléments préfabriqués en bois-paille ou en bois-terre-paille. Je suis un peu moins adepte de cette démarche, mais il faut reconnaître que c’est parfois très pratique.

« On utilise beaucoup trop de bois pour la structure car on oublie que la paille est dense et supporte une partie des charges du bâtiment… »

Les Règles Professionnelles de la Construction Paille sont vraiment bien écrites, elles sont même plus rigoureuses que les méthodes traditionnelles !

Les maîtres d’ouvrages sont de plus en plus intéressés par les projets paille, mais des craintes résident et à mon sens desservent les projets : ils ont souvent peur de mettre des enduits à même la paille et rajoutent des caissons en bois.

On utilise aussi, je pense, beaucoup trop de bois pour la structure car on oublie que la paille est dense et supporte une partie des charges du bâtiment…

J’aimerais qu’il y ait davantage de bureaux d’études thermique et structure habitués des projets de construction paille. Cela nous permettrait notamment de diminuer les marges de sécurité inutiles dont les coûts pèsent sur les clients (soupir).

Le bois coûte cher, autant essayer de l’utiliser intelligemment en optimisant un peu nos structures !

Il y a encore du travail pour faire évoluer la filière et les mentalités, c’est indéniable, mais les choses changent je le vois.

Cette semaine, lors du chantier-école, plusieurs conseillers municipaux ont participé au chantier : ils avaient l’air si heureux !

Beaucoup m’ont soutenu que s’ils construisent un jour leur maison, elle sera en paille (sourire).

 

 

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