30 minutes avec Corentin Desmichelle, un des architectes pionniers de la construction paille : ses débuts dans la construction paille et sa participation à la rédaction des règles professionnelles.
Je m’appelle Corentin Desmichelle. Je suis architecte, spécialisé dans la construction bois-terre-paille.
« C’était ça… ou simplement tout arrêter. »
En 2007, je créais mon agence « Les ateliers Desmichelle » à Chartres. A la vue du patrimoine local, l’utilisation de paille dans mes projets m’est apparue comme une évidence.
De toute façon, conscient de l’ampleur des problèmes climatiques, je ne concevais plus de construire autrement qu’en bois – terre – paille. (soupir)
C’était ça, ou alors me réorienter dans la rénovation … ou simplement tout arrêter.
Ensuite, en 2011, nous avons déménagé à Paris : il devenait difficile d’accéder aux marchés publics de Chartres, et ce changement parisien nous a plutôt réussi ! (rires)
« Ces premières Règles Professionnelles me facilitent grandement la vie. »
Entre 2007 et 2012, j’ai fait partie du groupe de travail des Règles Professionnelles de la Construction Paille : « Remplissage, Isolant et Support d’enduit ».
C’était une expérience riche, impliquant des acteurs aussi nombreux que divers : des architectes moteurs du projet, des ingénieurs et des chercheurs pour les aspects techniques et scientifiques, des bureaux de contrôles, et des artisans – constructeurs pionniers du domaine.
Depuis leur publication, ces premières Règles Professionnelles me facilitent grandement la vie.
La paille porteuse constitue encore un autre sujet : nous travaillons actuellement sur ces nouvelles règles professionnelles avec le groupe Nebraska.
Il y a moins de « nécessité » et le sujet est plus complexe… mais ce n’est qu’une question de temps !
« Il fallait se lancer, et je l’ai fait »
Je n’ai pas attendu la validation d’une commission pour construire avec ce matériau : pendant les 5 années de rédaction j’ai enchaîné les projets en paille.
J’ai beaucoup travaillé en filière sèche, avec des bottes de paille, un peu de préfabriqué… D’une certaine façon, tous les particuliers pour lesquels j’ai travaillé ont été les cobayes consentants de mes débuts dans la construction paille ! (rires)
Il fallait se lancer, et je l’ai fait, bien qu’en l’absence de cadres normatifs reconnus et validés cela n’a pas toujours été simple… Heureusement, j’ai toujours pu m’entourer de professionnels compétents !
« L’utilisation de paille en construction impulse souvent l’usage d’autres matériaux écologiques »
Je me souviens de mon tout premier projet paille : c’était une petite extension de maison pour un pianiste concertiste. Ce premier projet a posé les rails de ce que je souhaitais développer en termes d’activités et d’approches : nous avons construit en bois – terre – paille et mené un chantier participatif.
Par la suite, j’ai aussi fait plusieurs projets publics : écoles, crèches, pôles culturels, …
L’utilisation de paille en construction impulse souvent l’usage d’autres matériaux écologiques : la terre pour les enduits, le bois pour la structure, par exemple…cela me plaît beaucoup !
Utiliser des matériaux sains et non industriels est une grande fierté.
On reproche parfois aux projets paille d’être plus coûteux, en réalité ce n’est pas directement la paille mais souvent les éléments en bois qui pèsent sur le projet.
« Si nous n’agissons pas, les bâtiments d’aujourd’hui seront les fantômes de l’avenir »
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, on ne peut plus se permettre de raisonner ainsi simplement qu’en termes de prix : si nous n’agissons pas, les bâtiments d’aujourd’hui seront les fantômes de l’avenir…des fantômes que nous transmettrons à nos enfants.
Il faut repenser notre façon de concevoir, construire et nous approvisionner en ressources… (soupir)
Concernant les ressources, ce sont généralement les artisans-charpentiers avec qui je travaille qui sont en charge de la fourniture de la paille : cela fait partie de leurs missions dans les CCTP.
Le CCTP, « Cahier des Clauses Techniques Particulières », est un document contractuel signé par le commanditaire public et le(s) prestataire(s). Il est rédigé par la maîtrise d’œuvre (l’architecte et les intervenants en charge de la conception) dans le cadre d’un marché public. Ce document est intégré au DCE (Dossier de Consultation des Entreprises) et permet un suivi du bon déroulement des prestations du marché.
Les règles professionnelles de la construction paille proposent des fiches d’auto-contrôle destinées à la maîtrise d’œuvre et aux bureaux de contrôle, que les charpentiers remplissent. Cela fonctionne très bien.
Aujourd’hui il y a également de plus en plus d’entreprises de préfabrication qui proposent des éléments en structure bois – isolation paille, voire même en bois – terre – paille avec des enduits terre déjà appliqués.
Les choses changent doucement, espérons que cela continue !
